Le futur se design

"Amazing stories today, cold facts tomorrow" : La naissance du design d’anticipation

Dès le début de la révolution industrielle, Le Frankenstein de Mary Shelley, les aventures scientifiques de Jules Verne ou encore les romans philosophiques de H.G Wells placent, pour le meilleur et pour le pire, la science au cœur d’un nouveau genre de fiction : le merveilleux-scientifique.

Nous dédions cette seconde section de l’exposition à une figure plus tardive de l’anticipation : Hugo Gernsback. Il est souvent reconnu comme le père de la science-fiction en tant que genre littéraire, il en invente en tous les cas la terminologie.

La science-fiction telle qu’il l’entend a trois fonctions : la narration pour l’engouement des lecteurs, l’information scientifique pour leur éducation et la description de nouveaux usages pour inspirer les inventeurs à concevoir de nouveaux objets.

C’est par l’édition des nombreux Pulp, magazines de piètre qualité et peu chers fabriqués en pulpe de papier, que Hugo Gernsback diffuse sa vision du futur.

Hugo Gernsback construit dès lors, par tous les médiums à sa portée, un réservoir abondant de nouveaux usages connectés, le tout mis en récit et diffusé largement par le biais de publications populaires. Il démultiplie ce faisant la force d’enchantement des innovations technologiques.

La vie d'Hugo Gernsback

L’Amérique et la technique : deux rêves d’enfants

Le jeune Hugo Gernsbacher – il américanisera son nom plus tard - né au Luxembourg dans une famille juive aisée de négociants en vins, originaire d’Allemagne.

Passionné par le progrès technique, il racontait souvent qu’il reçut en cadeau pour son huitième anniversaire une pile Leclanché, une sonnette électrique et un cable. Au premier son de la cloche, au milieu d’un pluie d’étoiles vertes, Hugo décidait qu’il se tenait au seuil d’une carrière digne de sa personne. Il transforme la maison familiale en atelier et installe plusieurs sonnettes électriques dans le quartier.

Une autre passion marque sa jeunesse : les Etats-Unis. Il dévore les romans de cow-boys et de Mark Twain. Après des études peu brillantes et la mort de son père, il embarque sur le S.S. Pensylvania à Boulogne-sur-mer le 31 janvier 1904, direction New-York. La vieille Europe ne pouvait pas comprendre.

Gernsback, l’inventeur

C’est comme inventeur qu’il désire vivre le rêve américain. L’époque est aux triomphes des innovations techniques, notamment permise par le développement de l’électricité. Très vite, il se lie avec Nikola Tesla, dont il restera un fidèle admirateur. Dès son arrivée, il dépose un premier brevet de batterie électrique, et lance sa production. Trop couteuse, elle sera très vite arrêtée mais il ne renonce pas à ses ambitions d’inventeur et déposera en 25 ans près de 80 brevets d’objets connectés dont 40 recensés à l’United States Patent and Trademarks office, dont l’épilateur, l’héliport ou la prothèse auditive.

Gernsback, l’entrepreneur

Certains de ces brevets sont déposés au profit de l’entreprise qu’il fonde dès son arrivée à New York, en 1904 : The Electro Importing Company (E.I.Co). Sa firme distribue des composants électriques importés d’Europe, mais également des objets technologiques complets tels le Telimco Wireless Outfit, un dispositif de radiotélégraphie vendu bon marché. La transmission sans fil de son et d’image resteront des passions d’Hugo tout au long de sa vie.

Les pulps magazines

A la toute fin du XIXème siècle apparaissent les premiers pulps, publications peu coûteuses et de piètre qualité matérielle. Ils seront très populaires durant la première moitié du XXème siècle. Hugo se saisit de cet outil pour diffuser les catalogues de E.I.Co augmentés d’articles théoriques et de notices de montage afin de stimuler ses futurs acheteurs.

Passionné de fictions et notamment du merveilleux scientifique, il intègre dans ces magazines de vulgarisation scientifiques de courtes fictions d’anticipations : quoi de mieux qu’un récit pour convaincre des transformations à venir de nos vies promises par les découvertes de la science ?

Gernsback éditeur

En 1908, Hugo Gernsback se lance dans l’édition par la vulgarisation scientifique, il publie son premier magazine mensuel : Modern electrics.

En 1911, selon la légende, il se serait retrouvé face à des pages blanches. Ainsi serait né le premier épisode du feuilleton Ralph 124C 41, A Romance of the year 2660 : une histoire de fiction basée sur la technologie.

Si la qualité littéraire de ce feuilleton, considéré par certains comme un catalogue de gadgets, est largement discuté par les critiques littéraires, il ouvre cependant la voie à la scientific fiction.

Désormais convaincu par la force de conviction des récits, sa ligne éditoriale s’ouvre à la fiction. Le numéro spécial d’Août 1923 de Science and Invention intitulé Scientific Fiction Special est considéré comme la première tentative de Gernsback pour publier un magazine entièrement dédié à la science-fiction.

L’inventeur de la science-fiction

Dès lors, de nombreux récits s’insèrent dans ses publications Science and invention et Radio News. Si la plupart des récits sont commandés par l’éditeur, s’insèrent également dans ces publications des réimpressions d’histoires courtes d’H.G. Wells ou l’adaptation en feuilleton de Metal Emperor d’Abraham Merrit.

1911

Premier roman merveilleux écrit par Hugo Gernsback

1923

Scientific fiction

1928

Scienti-fiction

Scienti-fiction

En 1926 naît le premier pulp publié par Hugo Gernsback entièrement dédié à la Science-Fiction : Amazing Stories. Le premier numéro se contente de réédition de récits de Jules Verne, Edgard Allan Poe et H.G Wells notamment. Le magazine acquiert très vite un certain succès avec 100 000 exemplaires, et le contenu vient vite à manquer.

L’éditeur lance en 1926 alors un concours aux lecteurs : Écrire une nouvelle à partir de l’illustration de Franck R. Paul. Sept furent publiées par la suite.

Mauvais payeur, de nombreux auteurs de renom lui tournent peu à peu le dos. Le magazine fait faillite avec la crise en 1929. Il crée alors la série de magazine Wonder Stories mais, ne rencontrant pas le succès escompté, il s’en sépare en 1936.

Forecast

Si Hugo abandonne l’édition de Pulps, il ne renonce pas à la diffusion de ses prédictions. Il continue de partager, une fois par an, à l’occasion des voeux de fin d’année, ses visions prophétiques des progrès de la technique dans différents secteurs : commodités, éducation, transport, communication, santé et sexologie, un domaine qui lui tient à coeur depuis longtemps.

Ces publications, souvent humoristiques, prennent d’abord la forme de parodies de magazines existants – Quick et Times magazine notamment. Elles prennent finalement le titre de Forecast dans les années 1950 et seront envoyées tous les ans jusqu’à sa mort de manière gracieuses à une liste limitées de contacts.

Tous les contenus étaient entièrement rédigés par Hugo lui- même et le plus souvent illustrés par son fidèle illustrateur Frank R. Paul.

Un personnage public

Hugo Gernsback au-delà de l’édition, a utilisé tous les moyens en sa possession pour convaincre le plus grand nombre des bienfaits de la technologie. Il pilotera des radios, créera des clubs d’influence sur différents sujets (radio, télévision, science-fiction, etc.) et réussira finalement à faire entendre sa voix. Le magazine Life, à la fin de sa carrière, lui accorde de belles pages pilotées par Paul O’Neil.

Le prix Hugo

La première convention de Science-Fiction a lieu en 1939 à New York, en parallèle de la World Fair. Clairsemées au départ, ces conventions, après guerre, deviennent chaque année plus visitées. En 1952, Hugo Gernsback en est l’invitée d’honneur. C’est lors de cette convention qu’émerge l’idée d’un prix annuel pour récompenser les meilleurs travaux de Science-Fiction : The annual Science-Fiction Awards. Le surnom d’Hugo Awards, adopté dès la naissance du prix est officialisé par un vote en 1993.

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